V.I.S.I.O.N.S

Le 15 octobre 2015.

Lanassa, performance Visions  _DSC5296

Il est 20h et la galerie de l’étroit passage Verdeau est déjà saturée. La foule se presse devant des vitrines couvertes d’un dessin blanc que l’on ne peut lire que si l’on prend véritablement le temps de le regarder. Surgit alors à l’entrée du passage une forme élancée, vêtue d’un long habit noir satiné et portant sur les épaules un plastron d’argile dont on ne sait s’il est une armure ou un ornement.  A mesure que la forme s’avance, on devine à sa taille resserrée et à ses cheveux noués en une large tresse qu’il s’agit d’une femme. Débutant en arc de cercle lisse juste sous son nez, son plastron s’étire en un buste orné de pierres semi précieuses qui  se regroupent en cercles concentriques sur deux bosses symétriques. Il débouche ensuite sur un assemblage de plumes, de mousses et de fils de raphia dans lesquels s’emmêlent des mots brûlés. La tête de la femme est haute, son pas est calme. Elle marche comme si la terre lui appartenait et veut, elle aussi, voir les œuvres présentées à cette exposition.

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Elle vient pour observer, pas pour se montrer. Mais elle n’entend ni ne peut parler. Ses oreilles sont noires et sa bouche est couverte par l’excroissance de son plastron qui figure une bouche figée en un sourire sur une surface polie. Après avoir apprécié les œuvres, elle veut demander aux autres ce qu’ils font là. Pourquoi restent-ils alors que l’endroit est si exigu que cela en devient désagréable ? Pourquoi, d’ailleurs, ont-ils choisi de venir à ce moment alors qu’il sera si plaisant de voir les objets dans de meilleures conditions ? De quoi, en général, ont-ils peur ? Aiment-ils sincèrement leurs ami.e.s ? Alors elle demande en silence et compose des phrases avec les mots noués sur son ventre. Lentement, elle tend un à un les modules qui, assemblés, constituent des questions sincères sur les pratiques humaines de ceux qui se tiennent en face d’elle.

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Mais elle n’entend pas les réponses. Ses oreilles sont noires. Alors elle tend des papiers sur lesquels on lui parle comme on écrit un vœu. On ne pose pas des questions pour obtenir une solution, mais pour exister, interagir avec un interlocuteur qui deviendra spectateur de ce que nous sommes et nous permettra de nous délester de nous-mêmes. En tant que prêtresse, elle n’est déjà plus concernée par ce qu’elle est. Elle a atteint l’état de flotteur qui n’a plus de conscience de lui mais est agité par des courants invisibles qu’il révèle par ses oscillations. Alors elle pose des questions pour convier en l’autre l’humain, la sincérité, l’intensité.

Performance réalisée le 15 octobre au Cabinet des Curieux à Paris.
Photos : Unkle Zildjian
Robe : Laurine Brayé
Coiffe : Candice Angelini
Make-up : Angbryn Pixelse